PORTRAIT. Falmarès, jeune réfugié et humble poète aux nombreux succès

Déjà à l'origine de trois recueils de poèmes, Falmarès va prochainement en publier un quatrième avec une maison d'édition parisienne. Portrait de ce réfugié devenu poète à 16 ans.

Le jeune poète sortira un quatrième recueil en 2022 dans une maison d’édition parisienne. (©Falmarès / Un soir en septembre)

Par Farah SadallahPublié le 21 Déc 21 à 19:44 mis à jour le 27 Déc 21 à 15:05

Voir mon actuSuivre Actu Nantes

« Parce que tu es sensible et pas seulement précoce et doué » fait l’éloge Joëlle Mandart, l’éditrice bretonne de Falmarès (Les Mandarines), dans son premier recueil Soulagements publié fin 2018 à l’âge de 16 ans. Le jeune poète d’origine guinéenne devrait publier en 2022 son quatrième recueil de poèmes, ainsi qu’une anthologie sur la poésie guinéenne, dans une maison d’édition parisienne.

Falmarès, de son nom de plume, est né en Guinée en 2001 et il a eu 20 ans, ce dimanche 19 décembre 2021. Arrivé en France en 2017 – après avoir traversé le Mali, l’Algérie, la Libye, et l’Italie où il a vécu de terribles épreuves, selon son éditrice – il a depuis passé son bac et a démarré son avant-dernière année en BTS de logistique à Nantes (Loire-Atlantique). L’objectif étant qu’il soit capable de piloter une équipe à l’issue de sa formation, résume-t-il lorsque nous le rencontrons mi-décembre dans un bar du centre-ville de la cité des ducs.

À lire aussi

Très mature pour son âge

Serein et humble, dans sa chemise verte kaki, il a le sourire toujours aux lèvres et le rire facile à chaque anecdote qu’il raconte avec légèreté, mais aussi avec pudeur.

« Quand je passais mon temps dans les bibliothèques à lire et à écrire, une fois j’ai voulu acheter du papier, mais je n’avais pas d’argent. J’ai demandé du papier à la libraire et elle m’a donné un carnet. Maintenant, mes recueils sont vendus dans cette librairie. C’est marrant », narre-t-il en rigolant de la situation.

Falmarès a une vie déjà bien remplie. Il est beaucoup sollicité par des festivals de littérature, où il est souvent membre du jury. Très mature pour son âge et pas du tout prétentieux au vu de son succès, il arrive encore à concilier la logistique et la poésie. « Après mon diplôme, je pense encore pouvoir faire les deux », affirme-t-il avant d’ajouter avec lucidité :

Un jour il faudra faire un choix. Sachant qu'en logistique, il y a des opportunités (...). Il y a ça aussi à prendre en compte.

Avec ses parents, « c’était l’école et rien d’autres »

Mais pour le moment, ces deux activités ne sont pas incompatibles. « J’aime le côté dynamique et le fait de m’asseoir et de réfléchir. J’aime bien faire des activités dynamiques. J’ai toujours été comme ça », explique-t-il. Falmarès raconte justement qu’à « la maison en Guinée », il faisait beaucoup de choses. « Le travail au champ et aussi la pêche avec ma grand-mère. On s’occupait de tout avec elle », se souvient-il sans rentrer dans les détails.

En revanche, avec ses parents « c’était l’école et rien d’autre », ajoute-t-il pudiquement. Falmarès raconte avoir beaucoup de souvenirs avec sa grand-mère mais moins avec ses parents. « Je parle d’elle dans mes recueils », évoque-t-il. Mais il parle aussi de sa mère qui fait d’ailleurs l’objet de son premier poème. Falmarès a perdu sa mère avant de quitter la Guinée. C’est la raison qui l’a poussé à partir seul. Elle est morte dans ses bras, peut-on lire dans son poème Chanson de l’autre monde :

Vidéos : en ce moment sur Actu

Oh mon dieu, Je pleure maman. Ma mère est morte dans mes bras, Dans l'amour, dans la gaieté et la félicité De ses enfants. Morte. D'une courte maladie De quelques semaines. Quand nous étions heureux.

FalmarèsPoète

C’est d’ailleurs ce poème qui l’a fait rencontrer Joëlle et Armel Mandart, ses premiers éditeurs et sa seconde famille. Lors de la fête de la musique à Bono (Morbihan) en juin 2018, il a lu ce poème, devant la foule, qui a « sidéré » le couple. « La beauté de la langue, l’émotion, le style, les images, c’est ce qui nous a émus dans sa poésie », se remémore Joëlle.

« Mémoire d’un enfant, d’un exilé, d’une vie »

Pourtant au départ, il ne se prédestinait pas à la poésie. Avant d’arriver en France, Falmarès était en Italie, là où il a commencé à écrire, car il ne dormait pas. « J’écrivais et je me lisais pour m’endormir. Ce n’était pas une passion. C’était plus une thérapie », confie le jeune poète. Comme « un exutoire », « un désir de vivre à travers les mots », abonde Michel L’Hostis, l’auteur de la préface de son premier recueil.

D’où l’intitulé de ces deux premiers livres, Soulagements, dans lesquels Falmarès a couché sur le papier la « mémoire d’un enfant, d’un exilé, d’une vie, de la rencontre de deux mondes, des cultures ». « Ça parle de l’immigration et de la douleur mais aussi de la Bretagne et de la beauté naturelle », résume-t-il.

Le manque profond de sa mère

Le jeune poète a « beaucoup souffert », selon Joëlle Mandart. Le manque profond de sa mère et son voyage jusqu’en France l’ont marqué au fer rouge, mais il n’en parlera pas. Il préférera évoquer les souvenirs positifs. Comme ses dures nuits passées dans le désert.

Le calme et l'air pur, quand on regarde les dunes. C'est très très beau. [...] et bien sûr il y a des choses qui suivent après tout ça... mais la vie est belle quand même.

Falmarès

C’est avec la même posture qu’il raconte comment il a failli être renvoyé en Guinée il y a quelques mois. Tout aurait pu en effet s’arrêter du jour au lendemain lorsqu’il a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) en avril 2021, alors qu’il passait le Bac deux mois après.

Mais malgré le choc, Falmarès ne s’est pas laissé démonter. Le jour où il a reçu la lettre de la préfecture, il a annoncé à son entreprise qu’il ferait une grève de la faim. Il a posté un message sur Facebook. Et alors qu’il était membre du jury au festival Etonnants voyageurs à Nantes pendant le week-end, il a prévenu les journalistes présents sur place. Deux jours après, le préfet a annulé son OQTF. Et en novembre 2021, Falmarès a obtenu son titre de séjour d’une validité d’un an.

« Mon histoire peut aider d’autres jeunes »

« Il ne dévie pas de son chemin (…). Il a beaucoup de force et a une forte personnalité », le décrit Hélène, une figure d’attachement maternelle pour Falmarès. Rencontrée alors qu’elle le prenait en stop entre Vannes et Bono en 2017, elle est devenue la personne vers qui il se tourne quand il a des questionnements. « Il est aussi plein d’angoisse et traverse parfois de grandes périodes de solitude », témoigne-t-elle.

Falmarès l’évoquera dans ses poèmes, mais lors de notre rencontre, il nous réserve que le positif. « Les évènements qui nous arrivent, il faut savoir en tirer des leçons (…). C’est ça aussi la vie, dit-il avec du recul. Mon histoire peut aider d’autres jeunes à ne pas se sentir seul. »